Portrait de Jean-Simon Bégin, photographe animalier

Zoom sur le photographe animalier Jean-Simon Bégin

Florence Bourg Entrevue, Inspiration, Photographie, Printemps 2021

Temps de lecture: 7 minutes

S’offrir un arrêt… sur image

Dans un contexte où la consommation accélérée d’images est valorisée, Zenflo souhaite faire la part belle à la photographie afin de célébrer le fait de s’arrêter pour admirer une image sous son angle artistique. Offrez-vous un moment de pleine présence. Prenez conscience du travail de l’artiste derrière la photo. Laissez-vous envahir par l’émotion…!

Portrait de Jean Simon bégin, photographe animalier, lors d'une exploration en ski

Carte d’identité

Né à Québec, Jean-Simon Bégin a grandi à Cap-Rouge, proche de la rivière et des boisés. À 30 ans, il se consacre entièrement à ses passions pour la photographie et la peinture.

Photo de gauche et à la une: Anne Rousseau

Jean-Simon Bégin, comment qualifiez-vous votre spécialité de photographe?

Ma niche est la photographie animalière, surtout les animaux sauvages. Je me dédie à la faune nordique: la faune du Québec et, de plus en plus, la faune d’Amérique du Nord.

Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à la faune sauvage?

Avant de devenir photographe animalier, j’ai toujours été passionné par la nature, surtout par les insectes. Je crois que mon intérêt est en partie inné, et en partie acquis. Depuis tout jeune, la proximité avec la nature m’a été inculquée par mes parents qui m’ont emmené en camping dans les parcs nationaux du Québec. J’ai cet intérêt fort pour la nature car il y a toujours quelque chose à découvrir, et c’est ce qui a le plus répondu à ma curiosité profonde.

Quelle est votre démarche?

Je suis un contemplatif. J’aime capter et partager la nature. Je prends des animaux sauvages en photo, je les naturalise et je les présente aux gens.

Quels sont les lieux qui vous ont le plus inspirés?

J’en cite trois spontanément, et je dirais que ces lieux m’inspirent encore!

1. La Baie-James Eeyou Istchee, parce que c’est «la fin de la route»… J’y ai fait deux expéditions de 14 jours. C’est une contrée très sauvage avec peu de présence humaine. On y fait des rencontres exceptionnelles: des lynx, des martres, des caribous…

Caribou pris par le photographe animalier Jean-Simon Bégin

2. Les montagnes de la Gaspésie: on y trouve les plus beaux paysages. Ces montagnes sont assez accessibles, et elles m’attirent par leur profondeur, leurs sommets et plateaux alpins. Il y a encore une petite population de caribous, c’est un site d’une grande richesse faunique.

3. Charlevoix, particulièrement les secteurs où il y a des brûlis (ça me rappelle la Baie-James, dans le coin de Radisson). Dans le parc national des Grands-Jardins, on trouve encore des vestiges de troncs secs des bois qui ont été brûlés. [N.D.L.R. à la suite des incendies qui ont ravagé le parc en 1991 et 1999]. Ce sont des éléments inspirants pour mes images, ils apportent un sens artistique à la composition.

Vous semblez tout aussi sensible aux arbres, aux plantes. Que représentent-ils dans votre expression photographique?

Le sujet animalier est mon principal intérêt, mais si je reviens bredouille d’une observation d’animaux, je cherche alors d’autres sujets dans la nature. J’ai une sensibilité pour la flore, les plantes, l’ambiance de la forêt boréale, oui. Petite anecdote: je me fais souvent un thé du Labrador avec les feuilles que j’ai ramassées sur place.

Pour moi, faune et flore sont indissociables. C’est un tout qui compose une ambiance.

Chouette dans la pénombre. Canards. Photo par Jean-Simon Bégin, photographe animalier

Jean-Simon Bégin, vous peignez, aussi. Êtes-vous autodidacte ou avez-vous une formation en photographie, en arts plastiques?

Ma mère était prof d’arts plastiques et artiste-céramiste, il y avait donc un atelier à la maison. J’ai acquis des notions, mais je n’ai pas de diplôme spécialisé. J’ai étudié en graphisme [N.D.L.R. formation en art graphique au Cégep de Sainte-Foy en 2008]. Puis, j’ai quitté les études et me suis lancé dans le vide. J’ai continué d’apprendre par moi-même. J’ai maintenant 30 ans et je constate que c’est un pari qui a payé. En termes d’approfondissement de ma technique, j’ai exploré des endroits qui me sont propres dans la création artistique.

Quelle est votre relation à la peinture par rapport à la photo?

Ce sont deux approches différentes. Faire un tableau, c’est une démarche d’introspection: la peinture dépend de moi. Prendre une photo dépend de l’extérieur: je dépends de la nature pour pouvoir composer. C’est une forme de création plus contemplative, ouverte aux possibles. Je vais créer une composition avec mes techniques photographiques, grâce aux éléments extérieurs. En peinture, je fais appel à l’imagerie mentale pour créer les premières bribes d’une œuvre. C’est une méditation intérieure.

Ce que je peins, ce sont des paysages contemplés et que je n’ai pas pris en photo. Je les ai mémorisés. Je reproduis donc une expérience unique. Je ne fais pas de tableau de mes animaux. J’ai essayé dans le passé, mais je n’ai pas aimé. J’avais l’impression de copier mes propres œuvres, alors ça ne m’apportait pas de gratification personnelle. Tandis que lorsque je peins un paysage, le tableau se produit au fur et à mesure, je le découvre moi-même et je me surprends du résultat une fois l’œuvre achevée.

Les deux appartiennent au monde des arts visuels. Les deux se rejoignent dans la sensibilité du sujet, la composition, la lumière, la capacité à bien s’insérer dans leur époque.

Les deux m’apportent un équilibre. Car c’est comme tout, quand il y a un penchant en excès, ça étouffe. Je cherche l’équilibre en-dehors et en-dedans. Ces deux formes d’art apportent un équilibre à mon activité créatrice.

Jean-Simon Bégin, ce n’est pas toujours évident pour les travailleurs indépendants de réussir à en vivre. Et la question financière chez les artistes est encore parfois taboue. Alors… arrivez-vous à en vivre?

Le public a toujours eu un grand intérêt pour la photo animalière. Mais les magazines n’offrent pas de tarifs assez intéressants pour en vivre. Or, ça bouge très vite depuis un an sur les réseaux sociaux, qui sont devenus le vecteur principal pour me faire connaître. Dans les derniers mois durant la pandémie, il s’est passé de quoi: certaines de mes images ont eu des milliers de likes, et ça a fait le tour de la planète. Un vrai boom! Sur ma page Facebook, je suis passé à plus de 46 000 abonnés en quelques mois.

Soit les gens ont besoin de voir cette nature-là en photo car ils sont cloîtrés à l’intérieur, soit ils sont de plus en plus en communion avec la nature et y sont donc plus sensibles. En tous cas, ça a un effet positif en termes de rapprochement avec la nature!

C’est vrai que parfois l’artiste-entrepreneur est mal vu. Or, il n’y pas de honte à rendre mes activités artistiques lucratives. J’ai besoin de moyens, et je travaille donc fort pour acquérir la liberté de vivre de mon art pleinement.

Infolettre, grande présence dans les médias sociaux, promotions… vous êtes-vous converti en as du marketing?

Mon côté «marketing», je l’ai développé sur le tas. Le truc, c’est de diversifier ses activités tout en restant aligné avec son intégrité artistique. Je cherche l’équilibre entre générer des revenus et respecter mon art. Certains font des podcasts, des conférences, exposent en galerie. Ce qui marche pour moi, c’est ma boutique en ligne et mes contrats de photographie. J’ai vendu un livre et maintenant j’offre aussi un calendrier qui est à la fois utilitaire et esthétique. C’est un objet de décoration, que je dédicace.

Je suis devenu un créateur de contenu, un influenceur, mais je le fais en faisant la promotion de mon art. On peut suivre mes expéditions, on peut voir le matériel que j’utilise: je deviens un représentant de marque. Aujourd’hui, je suis ambassadeur de plusieurs compagnies qui sont en lien avec mes activités et pour lesquelles j’ai un réel besoin.

La question à se poser est: jusqu’où je veux aller pour respecter mon intégrité artistique?

Sur quels projets travaillez-vous?

Je vais sortir un nouveau livre en décembre prochain. C’est un gros projet qui me tient à cœur, dont le fil conducteur est l’eau et le solstice d’été. C’est un travail autour des nuances de brumes…
Je refais aussi complètement mon portfolio en ligne, c’est 14 ans d’images! Dans ma boutique en ligne, je vais bientôt proposer un service de commande en ligne ultra personnalisé, ultra performant, à prix intéressants. Je ne fais pas de tirage unique, donc mes prix restent bas. En ce qui concerne mes peintures, on peut les voir en ligne et m’écrire pour obtenir le prix.

La photographie pour vous, c’est…

… la meilleure façon de partager au plus grand nombre toutes les découvertes que je peux faire dans la nature.

Je suis toujours seul en nature, et je vis de grandes émotions. La photo me permet de partager cela.

Si je ne pouvais pas partager mon art, je n’en ferais pas.

Si l’art n’était pas public, si cela n’apportait rien à personne, ça ne m’apporterait rien à moi. Il y a un aspect thérapeutique intérieur à créer, oui, mais le bien-être est meilleur si on le partage!

Le mot de la fin pour nos lecteurs?

Habillez-vous chaudement et profitez de l’hiver! Beaucoup de gens n’aiment pas l’hiver… je ne comprends pas cela. Et particulièrement en temps de pandémie: la nature est notre sauveuse!

Pour communiquer avec Jean-Simon Bégin

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