Qu’est-ce que l’autocompassion?
Lorsque j’ai eu vent d’un prochain atelier sur l’autocompassion dans le cadre des Formations SEVE (Savoir être et vivre ensemble), j’ai eu envie de connaître la formatrice, Hélène Parent, afin qu’elle nous partage quelques clés pour devenir plus autonomes grâce à l’autocompassion en pleine conscience.
Apprendre à développer l’autocompassion: entrevue avec Hélène Parent.
Hélène Parent est animatrice de méditation et d’autocompassion, coordonnatrice de projet «bien-être à l’école» pour Math et Mots, enseignante au préscolaire et au primaire. Cet article a été mis à jour en juin 2024.
Hélène, pourquoi donner des formations sur l’autocompassion avec SEVE Formation Canada?
Pour prendre conscience de ses propres éléments de réactivité interne, pour être à l’écoute de ses ressentis, dans le but d’animer des ateliers philo pour enfants dans l’ouverture de tout ce qui se présente, en conscience.
Cette formation est destinée à toute personne qui anime des ateliers de philo pour enfants, qu’elle soit enseignante, éducatrice, ou animatrice. Le point de départ, c’est que pour offrir une qualité de présence aux autres, il est essentiel de se l’offrir à soi-même.
Si vous deviez définir l’autocompassion, ce serait…?
Ce serait partir de la compassion, qui est le souhait que la souffrance soit allégée chez l’autre, et le tourner vers soi. C’est donc l’action de s’accompagner soi-même avec bienveillance lorsqu’on vit un inconfort. On peut distinguer trois dimensions de l’autocompassion, que l’on va découvrir ensemble dans mon atelier.
L’autocompassion est la compassion dirigée vers soi. Cela implique d’être touchée ou touché par sa propre souffrance et de s’ouvrir à elle, plutôt que de l’éviter ou de s’en détacher.
Kristin Neff, psychologue
Quelle est la différence entre compassion et empathie?
Ah, c’est une question qu’on se pose souvent! 😊 En effet, quelle est la nuance entre la compassion, l’empathie, l’altruisme ou la bienveillance? Eh bien comme je l’ai appris lors d’un programme court en présence attentive à l’UQAM (Université du Québec à Montréal), l’autocompassion tire son origine de l’approche de la présence attentive, ou de la pleine conscience. Ma compréhension de la compassion, «c’est quand la bienveillance rencontre la souffrance», selon ce que m’a transmis l’un de mes professeurs, Pascal Auclair, également enseignant de méditation.
La compassion, c’est quand la bienveillance rencontre la souffrance.
Pascal Auclair, enseignant de méditation
L’empathie, quant à elle, réfère à notre capacité de nous mettre à la place de l’autre, à nous mettre dans ses souliers. L’empathie, c’est ressentir ce que l’autre ressent. Le danger est que l’on peut s’épuiser dans l’empathie en se laissant affecter, ça nous vide. Cela peut aller jusqu’à ressentir de la détresse empathique. Dès lors, on n’est plus en mesure d’offrir notre présence bienveillante.
Tandis que…
Dans la compassion, on reste présent à soi tout en offrant cette même qualité de présence à l’autre, sans s’épuiser.
Dans quels contextes et milieux est-ce utile de pratiquer l’autocompassion?
Je viens du milieu de l’éducation, et pour moi c’est un domaine où l’autocompassion est nécessaire. J’ai vécu l’épuisement, et j’ai pris conscience du fait que dès que l’on est en contact avec l’autre, on a besoin d’auto-compassion. C’est donc très important de la pratiquer dans les milieux scolaires ainsi que dans tout contexte de soin et de relation d’aide.
Au contact de l’autre, c’est en effet important de se donner de l’autocompassion ET même quand on est seule ou seul, car la souffrance vient souvent de notre dialogue intérieur, de ce que l’on se dit à soi…
La souffrance vient souvent de notre dialogue intérieur.
Par rapport à l’autocritique, justement, quels bons réflexes pouvons-nous développer?
Il s’agit d’avoir de l’auto-compassion pour notre voix critique, au lieu d’essayer de la stopper ou de vouloir la taire. Qu’est-ce qu’elle veut me dire? Essaye-t-elle de me protéger? Est-ce qu’elle répète ce qu’elle s’est fait souvent dire?
Je fais aussi une invitation à développer notre voix amicale. Quand on a l’impression que la voix critique prend toute la place, on peut essayer d’identifier s’il y a une voix amicale qui existe aussi. Eh oui, ça fait bizarre, mais on parle à nos voix!😉Quand une pensée est habituelle, elle revient souvent. On peut donc se pratiquer à induire un changement, c’est le principe de la neuroplasticité [propriété des structures et des fonctions du système nerveux (nerfs et encéphale) de pouvoir s’adapter]. Ainsi, en observant ce qui est là d’autre que ma voix critique, je peux me demander: comment je parlerais à un ami, à un enfant? Le soin porté aux autres permet d’apprendre à mieux prendre soin de soi, tout comme prendre soin de soi aide à mieux prendre soin des autres. C’est ce que m’a enseignée la formation Mindful Self Compassion.
Peut-on se donner de l’autocompassion physiquement?
Tout à fait, il existe plusieurs techniques, dont des gestes simples comme porter sa main au cœur: c’est la façon la plus directe pour moi. On s’apporte un toucher apaisant, on reconnaît que quelque chose de difficile est là et on se donne du réconfort.
Mon approche inclut des pratiques variées et ce sera à chacune et chacun de choisir ce qui lui convient le mieux. Durant mes ateliers, on aborde à la fois des notions et en faisons l’expérience directe. Je donne aussi des trucs simples pour que les participantes et participants puissent ensuite pratiquer de manière autonome.
Comment intégrer l’autocompassion pour soi et aider les autres?
Par la pratique répétée. J’invite à installer une routine d’exercices et de techniques, par exemple de faire une méditation sur la compassion au quotidien, même si c’est pendant une minute! Si l’on veut instaurer de nouvelles habitudes mentales, il est essentiel de les appliquer le plus souvent possible. Et la première dimension de l’autocompassion à développer, c’est la présence attentive.
Quant à l’intégration pour les autres, eh bien on a parfois l’impression qu’on le fait pour nous, mais en prenant soin de soi, on prend soin des autres: ça va rayonner autour de nous. Parfois, on a du mal à s’accorder une pause juste pour soi, alors que c’est important, si on en ressent le besoin. Et on n’est jamais séparés des autres… comme le dit bien le motto de Zenflo, d’ailleurs (Être bien. Vivre bien. Ensemble).
En même temps, l’autocompassion c’est aussi accepter que parfois ça va mal. Cela fait partie de l’expérience humaine.
Note éditoriale : SEVE Formation Canada ayant cessé ses activités en décembre 2023, les formations dont il est question dans cet article ne sont plus offertes.
À propos d’Hélène Parent
Hélène Parent est enseignante de formation (éducation préscolaire et enseignement primaire (2004), actuellement conceptrice et animatrice d’ateliers de méditation et d’autocompassion destinés à soutenir le bien-être du personnel scolaire. Elle est détentrice d’une attestation d’études de 2e cycle en présence attentive de l’UQAM, volet éducation (2020) et a participé à plusieurs retraites et formations connexes (dont CARE for Teachers et Mindful Self compassion).
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