Mieux vivre grâce à la danse
La danse est un moteur extraordinaire pour se dépasser et surmonter ses difficultés, nous dit Sylvie Fortin, enseignante et chercheuse pendant près de 35 ans au Département de danse de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Spécialiste de l’éducation somatique, une prise de conscience de soi par le mouvement, elle s’est intéressée à la santé des danseurs et au rôle de la danse dans le mieux-être de personnes issues de divers milieux, comme des personnes atteintes de maladie ou des populations fragilisées sur les plans social et économique.
Sylvie, dans quoi réside le potentiel de la danse pour améliorer le bien-être?
Dans notre société occidentale, le potentiel de la danse pour contribuer aux bien-être physique, cognitif et psycho-social est sous-estimé. Pendant la pandémie, on a beaucoup parlé de l’importance d’avoir des liens avec son entourage, de continuer à bouger physiquement ou de garder le moral. La danse est une activité qui répond tout à fait à ces besoins car elle touche à toutes les dimensions de la personne.
Quand tu danses, tu es connecté.e à toi-même, tu te connectes aux autres. Ton imaginaire est sollicité, ta créativité et ton unicité sont mises de l’avant car tu peux t’approprier les mouvements et la musique de façon personnelle, et ajouter ta propre couleur gestuelle aux chorégraphies. Tout un chacun peut danser et avoir l’occasion de sentir la richesse de sa présence distinctive dans un groupe.
Les programmes de danse par téléconférence connaissent un énorme succès en ce temps de pandémie. Un avantage de la danse est qu’elle peut être facilement adaptée aux personnes d’origines culturelles différentes, elle peut engager des groupes minoritaires ou difficiles à atteindre; elle favorise l’inclusion sociale.
Quels sont les bienfaits de la danse pour la santé?
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est récemment penchée sur la recherche traitant du rôle des arts dans le domaine de la santé. On a répertorié plus de 3 500 études se rapportant à la participation de personnes de tous âges aux arts vivants. Le rapport conclut que l’art offre une dimension supplémentaire aux manières habituelles d’améliorer la santé physique et psychosociale.
N’oublions pas que toutes les cultures autochtones du monde ont attribué des bienfaits guérisseurs à la danse. Un jour, bientôt je l’espère, les médecins prescriront de la danse à leurs patients en Angleterre, entre autres, où l’on fait de telles prescriptions.
Spécifions toutefois que les artistes pédagogues qui dispensent les cours sont formés pour interagir avec les participants, en tant que danseurs plutôt que patients, ce qui est différent de la danse thérapie. Le but des artistes pédagogues est de créer des conditions propices à des expériences artistiques chez les participants et non de traiter des problèmes. La formation est de nature artistique et pédagogique, alors qu’en danse thérapie la formation est de nature psychologique. En danse pour la santé, ou danse adaptée, on parle d’une relation professeur-élève et en danse thérapie une relation de thérapeute-patient.
Comment la danse peut être utilisée pour aider des personnes dans un processus de réadaptation ou dans une situation de vulnérabilité?
Je réponds à cette question par un exemple. D’abord, précisons que la persistance des problèmes de santé physique et psychosociale chez les populations en situation de vulnérabilité incite à renouveler les moyens traditionnels d’intervention. La danse pratiquée en groupe s’avère un riche moyen d’intervenir sur les plans corporel, cognitif et social.
Récemment six programmes de danse ont été développés et évalués par une équipe de dix chercheurs scientifiques et d’artistes de la danse pour améliorer la qualité de vie de personnes avec des défis de santé [NDLR : dans le cadre du projet Un pas à la fois, mieux vivre grâce à la danse qui a notamment étudiécomment des interventions en danse peuvent contribuer à la santé et au mieux-être de personnes d’âges et styles de vie différents].
Nous avons été suivis par la Fabrique Culturelle qui en a fait un film documentaire, La danse au service de la santé, accessible sur son site web, et qui montre bien l’expérience artistique et sensible des participants.
Nous voulions savoir comment la danse contribue à l’équilibre d’adolescents souffrant de paralysie cérébrale; la mobilité d’adultes en réadaptation de déficience physique; la cognition et le bien-être des personnes âgées; la participation sociale de femmes ayant connu l’itinérance; l’orientation spatiale d’enfants avec des problèmes de neurovision et la qualité de vie de personnes atteintes de la maladie Parkinson.
Spécifions que la maladie de Parkinson est de loin la maladie la plus étudiée à travers le monde. Un nombre suffisant d’études ont été complétées pour affirmer que la danse a comme résultat d’améliorer l’équilibre. On se demande quelle sorte de danse et quelle pédagogie ont le plus d’effet. Doit-on favoriser l’improvisation dansée ou une forme de danse structurée comme le tango? Si on danse le tango, quelle différence cela fait-il d’être la personne qui guide ou celle qui est guidée?
Après Parkinson, en termes de nombre d’études, viennent celles portant sur le cancer, la paralysie cérébrale et les maladies cardiaques. Les résultats montrent à quel point la danse est un moteur extraordinaire pour se dépasser et surmonter ses difficultés. Malgré des retombées qui peuvent être de l’ordre thérapeutique, la danse y est d’abord et avant tout présentée comme une activité artistique et inclusive centrée sur les besoins précis des participants, mais surtout sur leur plaisir. La danse amateure, le mot le dit, consiste à faire aimer la danse indépendamment d’un rapport au corps marqué par une situation, ou un autre de vulnérabilité.
Pour aller plus loin
- Visionnez la capsule réalisée par La Fabrique Culturelle, La danse au service de la santé.
- Découvrez le projet de recherche Un pas à la fois, mieux vivre grâce à la danse, soutenu par le Fonds de recherche du Québec (FRQSC).
- Actualités UQAM, Les joies du mouvement, Valérie Martin, publié le 22 septembre 2020.
- Hommage à la professeure, Sylvie Fortin, par le Département de danse de l’UQAM, Sylvie Fortin, une carrière exceptionnelle au service de la santé globale de celles et ceux qui dansent.