enfant qui lit un livre à l'école avec son masque

L’école et le bien-être des enfants en temps de pandémie

Johanne Bernier Action, Agir au quotidien, Printemps 2021

Temps de lecture: 6 minutes

Portrait de Johanne, auteure de cet article sur le voyage intérieur
Johanne est une geek du comportement humain. Elle adore jouer avec les croyances et les émotions, retrouver des sourires perdus et faire disparaître les certitudes.

Au cours de la dernière année, les écoles ont mis en place des mesures sanitaires exceptionnelles pour répondre aux obligations de la santé publique. Les élèves ont vécu des changements de façon continue. La demande d’adaptation a été sans précédent. On constate que la santé physique et mentale des élèves s’en est durement ressentie. Sur quels besoins doit-on veiller afin de ne pas sacrifier le bien-être des élèves dans cette crise? Comment pouvons-nous agir pour réduire l’anxiété et la dépression chez les enfants?

Je me souviens la première fois que j’ai entendu l’expression «Les enfants sont comme des éponges». J’étais une enfant. Mon enseignante avait prononcé ces mots en réponse à ce que je venais de lui dire. J’avais répété une phrase qu’elle m’avait dite quelques jours auparavant. Une phrase qui m’avait surprise et choquée. Elle aurait probablement préféré que je ne m’en rappelle pas. 😉

Père qui serre son enfant qui vit de l'anxiété

L’idée derrière cette expression est que, comme les éponges, les enfants absorbent ce qui est dans leur environnement et le retiennent en eux. Pas seulement ce qu’on leur dit. Ils intègrent aussi les émotions des autres. Souvent à leur insu. Ainsi, en présence d’éducateurs calmes et aimants, les enfants vont avoir tendance à s’exprimer de façon calme et aimante. De la même façon, lorsque des adultes significatifs dans leur milieu familial ou scolaire sont anxieux ou en réaction par rapport à ce qu’ils vivent, les enfants vont réagir comme eux. À long terme, les enfants deviennent plus sujets à des difficultés en lien avec l’anxiété, ainsi qu’à des troubles d’apprentissage et de comportement.

L’anxiété et la santé mentale des enfants à l’école

Un sondage commandé par la Fondation Jasmin Roy au printemps dernier a démontré que les jeunes aux prises avec de l’anxiété éprouvaient aussi des troubles du sommeil et des troubles de la concentration. Une étude de la firme de sondage Léger réalisée quelques mois après le début de la crise sanitaire a également rapporté que la moitié des jeunes canadiens vivent de l’anxiété profonde et présentent des symptômes de dépression. Un récent sondage réalisé auprès de milliers de jeunes dans la région de l’Estrie au Québec fait le même constat. Ces études, ainsi que le rapport Raising Canada 2020, sont unanimes: les inquiétudes en lien avec l’école ont contribué à une plus grande détresse personnelle chez les élèves.

Le suicide est désormais la première cause de décès chez les enfants canadiens de 10 à 14 ans. Chez les 15 à 19 ans, les chiffres sont tout aussi inquiétants. Bien que l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) ne dispose pas de suffisamment de données pour mesurer l’impact de la crise sanitaire sur le suicide au Québec, il est maintenant reconnu que le contexte actuel affecte grandement la santé psychologique des jeunes, accentue leur sentiment de vulnérabilité et aggrave certains facteurs de risque de suicide.

Enfant qui attend l'autobus avec son masque

Paradoxalement, la COVID-19 n’est pas une menace directe pour la vie des enfants et des adolescents. En date du 31 janvier 2021, on rapportait 1 seul décès attribuable à la COVID-19 chez les 0 à 19 ans au Québec. Étant donné que le risque de décès ou de complications chez ce groupe d’âge est très faible, on peut supposer que les mesures sanitaires en place visent davantage à protéger les personnes plus âgées. Considérant toutefois la fréquence et la gravité des problèmes psychologiques observés chez les élèves depuis le début la pandémie, il est légitime de se demander si nos efforts et nos ressources sont investis au bon endroit. Il est également impératif d’aider les enfants à s’adapter aux changements qu’ils vivent.

Accroître le pouvoir d’agir des jeunes

Comme une éponge, l’enfant ne fait pas qu’absorber des informations. Il a aussi la capacité de s’en libérer. Que devons-nous faire pour aider nos enfants à être plus flexibles, à s’adapter aux changements, à laisser aller des idées et des émotions? Être des modèles. Ou se pratiquer à l’être. 🙂

Lorsqu’un changement survient et qu’on se sent stressé ou apeuré, on doit d’abord reconnaître que ça nous stresse. Être attentif et honnête face à nos ressentis. C’est difficile parfois. Notre mental a tendance à fuir ou nier ce qu’il perçoit comme un danger ou une menace. Or, pour nous libérer de nos pensées et de nos émotions, nous devons les accepter. Après, il devient possible d’intégrer plus consciemment d’autres informations ou des solutions qui contribuent à notre bien-être.

Dans le contexte de la pandémie, les enfants vivent beaucoup d’émotions en lien avec les règles, les programmes et les routines scolaires qui changent continuellement. En tant qu’éducateurs, notre rôle est de valider ce qu’ils vivent, reconnaître que leur frustration, leur anxiété ou leur sentiment d’incompréhension est normal, et accueillir ce qu’ils ressentent. Des discussions de groupe autour de thèmes qui questionnent les élèves, par exemple, le port du masque, les habitudes de vie, se faire des amis en temps de pandémie, etc., peuvent aider les jeunes à exprimer des idées et des émotions, ainsi que développer leur pensée critique sur des sujets complexes.

Enfants qui passe un examen avec un masque pour illustrer cet article sur l'anxiété des enfants en contexte de pandémie.

Les saines habitudes de vie, en particulier une bonne alimentation, l’activité physique régulière et un sommeil de qualité, sont des facteurs de protection de la santé. Elles sont essentielles pour répondre adéquatement aux besoins physiologiques des enfants. Il est également nécessaire de retrouver un équilibre sur le plan sensoriel. Le temps devant les écrans, ou la quantité et la qualité des stimuli visuels et auditifs, a un impact sur le bien-être physique et mental des enfants. La distanciation sociale et la baisse des contacts physiques aussi.

Le sens du toucher: le plus «touché» par la pandémie

Le toucher joue un rôle vital dans la vie émotionnelle et relationnelle de l’enfant. Il diminue le stress, procure un sentiment d’apaisement et dynamise le système immunitaire.

Rien ne peut compenser entièrement l’absence d’étreintes et de contacts physiques bienveillants. Toutefois, la pratique de certaines activités à l’école peut aider le moral et aider l’enfant à gérer ses émotions. Pensons à la respiration consciente, le yoga, la danse, et l’activité physique en général. Les activités sensorielles ludiques sont aussi à privilégier: une marche en forêt pour sentir les odeurs, la création d’œuvres en pâte à modeler, la découverte de textures d’aliments, etc.

Enfin, l’auto-câlin, se prendre soi-même dans ses bras avec douceur et affection, est aussi une source de réconfort à découvrir.

Dans un environnement changeant, le besoin de sécurité des enfants augmente considérablement. Il devient primordial de les rassurer, de les écouter et de répondre à leurs questions. Les éducateurs sont invités à devenir des facilitateurs, des agents de changement qui offrent un cadre bienveillant à l’élève, un cadre flexible qui va évoluer en fonction des besoins différents de chacun.

La dernière année nous a appris beaucoup de choses. Nous avons appris que la COVID-19 est un virus très contagieux. Nous avons aussi observé que le stress, l’anxiété et les émotions le sont tout autant. Plus que jamais, l’école doit aider l’élève à s’adapter à un monde qui change continuellement et rapidement. Elle doit lui offrir du temps et de l’espace pour partager, bouger et apprendre librement. Et plus de calme. Beaucoup plus. Ces conditions sont essentielles pour favoriser le bien-être des jeunes et des moins jeunes.

Johanne Bernier, M. Ps., psychologue

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