éducation numérique

Inclusion: du côté de l’éducation numérique

Marie-Pier Jolicoeur Action, Agir au quotidien, Hiver 2022

Temps de lecture: 7 minutes

Les écrans numériques peuvent avoir des effets néfastes sur le développement et la santé de nos enfants, et il est tout à fait naturel que nous voulions les en protéger. Pour autant, Marie-Pier Jolicoeur, doctorante en droit des enfants et en droit des technologies, nuance ce propos et nous apporte quelques bonnes nouvelles.

Portrait de Florence Bourg, auteure de cet article
Marie-Pier Jolicoeur est doctorante en droit des enfants et en droit des technologies, professeure de yoga et collaboratrice au magazine Zenflo.

Inclusion et éducation numérique: quand les technologies offrent un potentiel d’expériences positives pour les jeunes

Promouvoir une approche selon l’âge, le contexte d’utilisation et le contenu visionné

Nous entendons de plus en plus dire que les écrans numériques peuvent s’avérer néfastes pour le développement et la santé des jeunes. Ces affirmations reposent sur une littérature scientifique importante qui met en lumière les risques d’une utilisation excessive et inadéquate du numérique pour la santé psychologique, affective, physique, oculaire, et motrice des enfants. Nous ne pouvons pas – et ne devons pas – ignorer ces risques.

Cependant, la présence de conséquences potentiellement négatives liées à l’utilisation des outils numériques ne devrait en aucun cas occulter le fait qu’il existe aussi de bons côtés à l’usage de ces outils. Il existe même des utilisations grandement bénéfiques pour le développement de l’enfant, son sentiment d’inclusion sociale, et ses possibilités d’avoir accès à de l’information riche et diversifiée.

L’organisation mondiale de la santé[1] recommande de limiter le temps d’écran des enfants en évitant de les exposer avant deux ans, sauf pour de courtes périodes de visioconférence avec des personnes significatives de l’entourage. Elle recommande également de limiter l’utilisation à du contenu réellement éducatif et des échanges en visioconférence entre deux et cinq ans. À cet âge, soit entre deux ans et cinq ans, la durée maximale devrait demeurer de trente minutes à une heure par jour.

Cela étant dit, surtout à partir de l’entrée au primaire, et pour le jeune du secondaire, les écrans numériques et la télévision offrent plusieurs opportunités de vivre des expériences positives. Il importe de les connaître afin d’en tirer le maximum d’avantages.

Les écrans offrent plusieurs opportunités de vivre des expériences positives. Il importe de les connaître afin d’en tirer le maximum d’avantages.

Le développement du langage et la socialisation par le numérique

Tout d’abord, l’utilisation d’outils numériques qui permettent de faire de la visioconférence comme Zoom, Teams, Skype ou Facetime, peut être bénéfique pour les enfants. Selon des études récentes rapportées par Caroline Fitzpatrick, professeure agrégée à l’Université de Sherbrooke, cet usage a le potentiel de contribuer à développer leur langage et leur socialisation, tel qu’énoncé dans une entrevue accordée à Radio-Canada[2].

Pour un enfant, il est plus difficile d’établir une communication efficace au téléphone dit «traditionnel», sans voir la personne. Cela est plus aisé avec une application avec laquelle la caméra permet de renvoyer des informations non verbales de l’interlocuteur à l’enfant. Ces informations amènent l’enfant à suivre les conversations et à avoir une rétroaction en temps réel.  Il est certain qu’il reste des études à faire sur le long terme pour saisir les impacts de ces outils. Or, il n’en demeure pas moins que la visioconférence avec une personne de l’entourage, ou du moins, une personne qui porte de bonnes intentions à l’égard de l’enfant, est, pour ce dernier, l’une des meilleures utilisations qu’il puisse faire du numérique pour développer son langage, ses compétences sociales et sa capacité d’écoute.

La visioconférence avec une personne de l’entourage, ou du moins, une personne qui porte de bonnes intentions à l’égard de l’enfant, est, pour ce dernier, l’une des meilleures utilisations qu’il puisse faire du numérique pour développer son langage, ses compétences sociales et sa capacité d’écoute.

La rencontre virtuelle ne pourra jamais valoir ou équivaloir à la qualité d’une rencontre en chair et en os, mais dans un contexte où nous n’avons pas toujours la possibilité de rencontrer nos proches physiquement, sur une base régulière, cela constitue une alternative intéressante, voire bénéfique.

De plus, les résultats d’une autre étude récente suggèrent que les médias dits prosociaux sont positivement associés au comportement prosocial et à l’empathie, et négativement associés à l’agressivité[3]. Le terme prosocial peut être décrit comme des attitudes qui démontrent un souci envers l’autre, sans attente de contrepartie, dans le but de le soutenir ou le réconforter [4]. Cette étude a révélé que l’enfant qui visionne un type de contenu prosocial serait plus enclin à vouloir aider les autres ou avoir des pensées altruistes.

L’enfant qui visionne un type de contenu prosocial serait plus enclin à vouloir aider les autres ou avoir des pensées altruistes.

Il est intéressant de noter, cependant, que l’exposition aux médias prosociaux a démontré un effet sur le comportement des jeunes envers les étrangers, mais pas nécessairement envers la famille ou les amis. Cela ne veut pas dire que l’impact positif n’est pas possible, mais l’étude ne l’a pas identifié pour ce cas précis. Le comportement altruiste étant, à la base, davantage courant envers sa propre famille et ses amis qu’envers les étrangers, il faut noter que les résultats concernent donc le constat d’impacts positifs seulement pour les étrangers. Cela est une limite intéressante à souligner considérant, en plus, que l’action dans les médias étudiés dans cette recherche se déroule bien souvent dans un contexte amical ou familial, et non avec des inconnus. Bref, cette précision nous permet de constater que tout est une question de nuances et de subtilités quand nous discutons des impacts du numérique en recherche!

L’inclusion et l’importance des modèles diversifiés dans les médias et sur les réseaux sociaux

De plus, nous savons que les technologies numériques modernes nous permettent d’avoir accès à plus de contenus et d’informations que jamais. Cela permet des discussions publiques plus riches, une plus grande inclusion sociale et un plus grand potentiel pour comprendre et intégrer les cultures et les différences dans nos collectivités[5].

Grâce à la diversité identitaire, culturelle, sexuelle, et d’opinion qui est diffusée sur les plateformes sociales et dans les médias, l’accès à des modèles qui ne pourraient pas être accessibles autrement pour l’enfant est non négligeable. À ce propos, une étude récente de la Société canadienne de pédiatrie souligne les effets potentiels positifs des médias sociaux sur le développement et l’estime de soi des enfants:

«Les médias sociaux peuvent avoir un effet de validation, lorsque les camarades parlent de leurs pensées et de leurs expériences, ou d’affirmation de soi, lorsque les adolescents obtiennent de l’aide pour «se relever» du rejet social ou de l’isolement. Dans un récent sondage réalisé en Grande-Bretagne, 68% des répondants adolescents affirmaient avoir reçu du soutien social en ligne pendant des périodes difficiles. Les médias sociaux peuvent aussi permettre d’éviter l’ostracisme et se révéler des plateformes sécuritaires et accueillantes pour explorer sa sexualité et son identité.»[6]

S’informer et s’outiller face aux compétences numériques

Différents outils sont offerts en ligne gratuitement pour nous aider à nous informer davantage sur les bons et les mauvais côtés de l’utilisation d’Internet et des médias, et ce, avec une approche scientifique et nuancée. Nous terminons cet article en vous dirigeant vers quatre organismes: Common Sense Media, Le CIEL (Québec), PAUSE (Québec) et Le grand chemin (Québec).

Ressources

Common Sense Media

Common Sense est une organisation à but non lucratif qui tend à «incarner une voix indépendante pour les enfants, les familles et les communautés du monde entier par des recherches originales et des efforts de prise de parole pour que le monde numérique fonctionne mieux pour tous les enfants» [traduction libre]. L’organisme cherche à mettre en évidence la législation relative à la technologie et identifie des solutions qui protègent la vie privée des consommateurs, encouragent une meilleure connectivité pour les enfants et les familles, et tiennent les entreprises technologiques responsables de garantir un Internet sain pour tous. Parcourir le site de Common Sense (en anglais)

Le CIEL

Le CIEL souhaite «rendre la relation entre les gens et les médias sociaux plus positive». L’organisme intervient auprès des jeunes du secondaire pour les conscientiser aux enjeux de santé mentale reliés à l’utilisation des médias sociaux. À travers des ateliers d’autodéfense numérique, l’organisme cherche à briser les mythes, et à tendre l’oreille aux jeunes pour ouvrir le dialogue. En complément, et pour les adultes de 18 à 108 ans, Le CIEL fait de la sensibilisation à ces mêmes enjeux à travers du contenu publié sur ses plateformes numériques. En apprendre davantage sur Le CIEL

PAUSE

PAUSE fait «la promotion d’une utilisation équilibrée d’Internet et des écrans pour prévenir les risques associés à l’hyperconnectivité, en invitant les jeunes adultes, les enfants et leurs parents à poser des gestes pour améliorer leurs habitudes numériques afin de profiter des avantages d’Internet sans en subir les méfaits». En plus d’être une campagne de communication, l’initiative propose aussi un site de référence offrant de l’information et des conseils, ainsi que des ressources pour les parents et les intervenants. De plus, PAUSE propose des évènements de déconnexion que des activités dans les milieux fréquentés par les jeunes. L’organisme souhaite donner priorité «aux connexions qui font du bien, en ligne et hors ligne». Découvrir les outils et informations de PAUSE

Le grand chemin

Le Grand Chemin Inc. est «un organisme sans but lucratif dont les services gratuits s’adressent aux adolescents de 12 à 17 ans qui ont développé ou sont en voie de développer une problématique de toxicomanie, de jeu excessif ou de cyberdépendance», ce dernier problème qui, heureusement, ne touche qu’une faible proportion des jeunes en contact avec le numérique. Son programme est d’une durée de huit à dix semaines en hébergement, plus quatre mois de suivi en réinsertion sociale. En connaître davantage sur l’organisme Le grand chemin

Sources

[1] Institut national de santé publique, L’utilisation des écrans en contexte de pandémie de COVID-19 — quelques pistes d’encadrement, 2021, en ligne: https://www.inspq.qc.ca/publications/3015-utilisation-ecrans-pistes-encadrement-covid19

[2] Moteur de recherche, Quel impact a la visioconférence sur le développement de l’enfant?, Radio-Canada, le 28 septembre 2021, en ligne: https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/moteur-de recherche/segments/entrevue/373089/video-zoom-enfant-image-developpement

[3] Coyne, S. M., Padilla-Walker, L. M., Holmgren, H. G., Davis, E. J., Collier, K. M., Memmott-
Elison, M. K., & Hawkins, A. J. (2018). A meta-analysis of prosocial media on prosocial behavior, aggression, and empathic concern: A multidimensional approach. Developmental Psychology, 54, p. 342.

[4] L. A. Penner, J. F. Dovidio, J. A. Piliavin et D. A. Schroeder, Prosocial Behavior: Multilevel Perspectives, Annual Review of Psychology, vol. 56,‎ 2005, p. 365-392.

[5] Gouvernement du Canada, Diversité des contenus en ligne, mis à jour le 29 juin 2021: https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/services/diversite-contenus-ere-numerique.html

[6] Société canadienne de pédiatrie, groupe de travail sur la santé numérique, Ottawa, Ontario (2019). Les médias numériques: la promotion d’une saine utilisation des écrans chez les enfants d’âge scolaire et les adolescents. Paediatrics & Child Health, 24(6), 409-417.

Photo à la Une par PIXNIO.


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