Comment combiner études et bien-être?

Marie-Pier Jolicoeur Action, Agir au quotidien, Printemps 2021

Temps de lecture: 7 minutes

Portrait de Florence Bourg, auteure de cet article
Marie-Pier Jolicoeur, créatrice des retraites de rédaction collectives, conscientes et urbaines.

Prendre soin de soi dans le cadre de ses études supérieures: une clé de bien-être académique et personnel.

Intégrer la pleine conscience et des outils de santé globale à ses études universitaires, c’est possible? Nous en avons en tous cas un bel exemple avec la première édition, au Monastère des Augustines à Québec, des Retraites de rédaction collectives, conscientes et urbaines. Questions à leur instigatrice, Marie-Pier Jolicoeur.

Ce projet pilote, une initiative du Centre de soutien aux cycles supérieurs en droit de l’Université Laval, en collaboration avec leur association étudiante, a été réfléchi pour favoriser le bien-être des étudiants qui réalisent un projet de maîtrise ou de doctorat. Ces éditions ont pu avoir lieu en mars 2021, dans le respect des règles sanitaires. Retour sur deux éditions pilotes avec leur initiatrice, Marie-Pier Jolicoeur, candidate au doctorat en droit à l’Université Laval, professeure de yoga et collaboratrice à l’équipe de rédaction de Zenflo.

Crédit: Annie-Carrier Robitaille

Marie-Pier, d’où est venue l’idée d’organiser une retraite de rédaction urbaine?

L’idée m’est venue à l’automne 2020, en pleine pandémie, alors que je voyais de plus en plus d’articles de journaux et de déclarations de spécialistes passés sur les réseaux sociaux concernant la santé mentale des étudiantes et des étudiants, avec des taux importants de sentiment d’isolement, d’anxiété, de pertes de repère ou de motivation, de manque de ressources.

Comme je travaille au Centre de soutien aux étudiants de ma Faculté [Faculté de droit de l’Université Laval, N.D.L.R.], et que c’est une équipe géniale, lorsque je leur ai proposé un projet de rédaction au Monastère des Augustines, ils ont tout de suite dit oui. Il faut dire que j’enseigne déjà le yoga au Monastère des Augustines, donc personne n’a eu à me convaincre très longtemps que ces lieux patrimoniaux, lumineux et inspirants étaient tout à fait propices à la rédaction d’une thèse de doctorat ou d’un mémoire de maîtrise.

On a donc travaillé ensemble à la recherche de partenaires financiers, pour que ces retraites soient le plus accessibles possible à tous, puisque la précarité financière est parfois le lot de certains étudiants aux cycles supérieurs.

Et puis l’idée de se rassembler solidairement, au sein d’un même lieu, pour rédiger dans un environnement physique et propice à la rédaction efficace est un mouvement «viral» si je peux dire, et «contagieux», pour ne pas faire de mauvais jeu de mots avec la situation actuelle. Elle a été initiée et propulsée par l’organisme montréalais Thèsez-vous [dont la mission est la mise en place d’environnements physiques et humains réfléchis pour faciliter la rédaction scientifique, N.D.L.R.]. J’ai d’ailleurs la chance d’animer des services virtuels de rédaction collective avec cet organisme.

Crédit: Monastère des Augustines, Québec

Avec la pandémie, nous savons que certains étudiants universitaires vivent de la solitude (cours à distance, absence de vie sur le campus). S’engager dans une thèse ou un mémoire vient avec une certaine solitude, non?

C’est vrai, et personnellement, j’adore avoir de la tranquillité pour travailler sans trop me faire déranger, je suis super bien concentrée dans mon appartement très lumineux, et j’ai la chance d’avoir un environnement tout à fait propice au travail productif. J’aime la liberté que procure une certaine solitude.

Par contre, quand on s’engage dans un processus comme une thèse de doctorat, c’est souvent quatre ou cinq années de travail solitaire. À la longue, le fait de ne pas partager une réalité commune avec des collègues qui vivent des défis similaires aux nôtres finit par nous manquer. Ça devient un besoin à combler. Il est facile quand on est toujours seul face à son projet de doctorat ou de maîtrise de tomber dans une certaine spirale où l’on oublie de prendre pauses, de s’arrêter pour respirer, d’aller marcher dehors, ou simplement d’entretenir sa vie sociale et familiale.

À l’inverse, et un peu paradoxalement à ce que je viens de dire, la littérature scientifique démontre aussi que c’est parfois la procrastination qui va devenir un problème aux cycles supérieurs – il faut dire que des statistiques (qui ne sont peut-être plus tout à fait à jour aujourd’hui) révélaient qu’un étudiant sur deux ne termine pas son doctorat. Les distractions dans notre monde hyper connecté sont être nombreuses: les médias sociaux, sa boîte de courriel, son voisin bruyant ou son coloc un peu trop présent.

L’idée de ce type de retraite de rédaction est de prendre un rendez-vous significatif avec son projet de recherche, en bloquant du temps de qualité dans son agenda, et en se dédiant complètement à la tâche, comme la professeure en psychologie et titulaire d’un doctorat, Geneviève Belleville, le propose d’ailleurs dans son livre, avec un titre très éloquent: «Assieds-toi et écris ta thèse!».

Concrètement, à quoi ressemble l’horaire d’une journée de retraite urbaine de rédaction?

Ces retraites ont été pensées pour offrir aux étudiants des outils de santé globale qui favorisent le bien-être et la bienveillance envers eux-mêmes. Ce sont des outils qui peuvent être utilisés une fois de retour à la maison. La journée de retraite a donc commencé par un atelier théorique sur les bienfaits thérapeutiques et scientifiquement démontrés de la respiration de cohérence cardiaque, suivi d’une séance pour la mettre en pratique. Ensuite, nous avons fait des blocs de rédaction entrecoupés de pauses de 10 minutes, durant lesquelles les étudiants étaient invités à se déconnecter de l’ordinateur, à bouger, à manger une collation santé et à s’aérer.

Puis, juste avant le dîner, nous avons eu une séance de 30 minutes de yoga sur chaise, chaque étudiant à son poste de rédaction. La pandémie ne nous permettait pas d’explorer un autre type de yoga, mais c’était parfait, car c’est une forme de yoga très accessible, qui peut justement être reproduite dans un contexte de télétravail ou de télé-études.

Le dîner était sous le couvert de l’alimentation consciente. Le directeur de la restauration du Monastère des Augustines, Christophe Perny, nous a expliqué son approche alimentaire, dans une perspective de bien-être: une approche holistique, saine, équilibrée, qui tient compte de l’expérience des cinq sens.

En après-midi, nous avons poursuivi la rédaction. Et la journée s’est terminée par un petit exercice de pleine conscience. C’était aussi l’occasion de revenir sur les objectifs de rédaction individuels fixés en début de journée.

Crédit: Annie-Carrier Robitaille

Quels ont été les commentaires des participants?

Certains étudiants ont témoigné que cette initiative leur a apportée beaucoup d’énergie et de réconfort, grâce au sentiment de solidarité partagé. Il faut dire qu’en raison la pandémie, ça faisait longtemps que nous n’avions pas eu d’activités en chair et en os! D’autres, qui débutaient leur rédaction à la maîtrise, ont dit qu’ils allaient dorénavant essayer d’intégrer les méthodes de travail apprises lors de ces journées avant de commencer à rédiger à la maison. Tous ont grandement apprécié les activités animées par le Monastère des Augustines. Ces ateliers nous ont appris à nous déposer avec des techniques simples, comme la cohérence cardiaque et le yoga sur chaise. Cela a été très apprécié, même pour des débutants en yoga et méditation.

On associe souvent que l’idée de pleine conscience à des moments où l’on décroche (retraite de yoga, voyage spirituel, séjour dans un spa). Ce projet pilote semble démontrer que la respiration consciente et le moment présent se cultivent aussi dans ses études ou son travail?

Oui vraiment, et c’est aussi ce que j’ai appris lorsque j’ai réalisé ma certification comme professeure de yoga. Dans des livres phares de grands pionniers portant sur la Mindfulness-based approach (approche basée sur la pleine conscience), des spécialistes du sujet comme le médecin et professeur d’université John Kabat-Zinn décrivent la pleine conscience simplement comme un «état de conscience qui résulte du fait de porter son attention, intentionnellement, au moment présent, sans jugement sur l’expérience qui se déploie instant après instant» (Kabat-Zinn, 2003).

Le magazine Zenflo incarne des valeurs d’équilibre du corps, du cœur, de l’âme et de l’esprit qui se cultivent au quotidien. Le bien-être et la pleine conscience au quotidien, ça peut être simplement de prendre quelques respirations calmes et complètes, les yeux fermés, avant de commencer à étudier ou à travailler.

Ça peut aussi être de ressentir le contact et les sensations physiques lorsqu’on dépose nos pieds au sol en pratiquant la marche consciente dans nos pauses de travail. Ça peut aussi consister à écouter notre corps, et faire des étirements à toutes les heures, quelques secondes, juste pour faire circuler l’énergie. Et ce ne sont pas les vidéos ou les suggestions d’exercices qui manquent sur le sujet depuis le début de la pandémie, il suffit de s’y mettre, une journée à la fois.

Crédit: Monastère des Augustines, Québec

La pleine conscience au travail ou dans ses études, c’est aussi essayer d’être «vraiment» présent durant une visioconférence ou un cours en ligne, en évitant de prendre ses courriels en même temps, ou de se laisser distraire par d’autres pages Web. J’ai souvent lu que le multitâche se révélait être une technique de travail moins efficace et plus stressante à la longue. Donc, pour éviter de se sentir dispersé ou éparpillé, faire une chose à la fois permet de se concentrer davantage sur la tâche à accomplir.

Finalement, la pleine conscience au travail et dans les études c’est aussi se permettre de déconnecter, d’éteindre les notifications, d’avoir des moments de détente et de retour à soi chaque jour, et pas seulement à la fin des sessions ou lors des vacances estivales.

Merci beaucoup Marie-Pier pour ces échanges, et en espérant que vous aurez plusieurs autres éditions de cette belle initiative de retraite de rédaction, porteuse pour le bien-être des étudiants universitaires!

Pour celles et ceux qui veulent aller plus loin et en apprendre sur la pleine conscience, voici un livre d’or:

Via le site Les Libraires: Au coeur de la tourmente, la pleine conscience par Jon Kabat-Zinn

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