À quoi va ressembler le voyage de demain?

Florence Bourg ActuZen, Hiver 2021

Temps de lecture: 7 minutes

Avec l’arrivée simultanée de la vaccination partout dans le monde et l’espoir de pouvoir de nouveau faire une expédition un peu plus loin qu’au bout de la rue, les amants du voyage se demandent ce qui les attend en 2021. Comment repenser le voyage de demain pour assurer le mieux-être individuel, collectif et le respect de notre environnement? Entrevue croisée avec les dirigeants de l’agence Passion Terre et de Vaolo, spécialistes d’expériences hors sentiers battus.

Portrait d'Isabelle Pécheux
Isabelle Pécheux est la directrice générale et fondatrice de l’agence de tourisme durable Passion Terre, basée à Montréal. Elle fait partie des membres fondateurs de l’Association Tourisme Durable Québec.

Portrait de Charles Mony
Charles Mony est le président fondateur de Village Monde qui propulse la plateforme collaboratived‘hébergements Vaolo. Photo: Mano Photographe

Photo à la une: Chalet Le Conrad chez Cabananse, à l’Anse St-Jean, au Québec, Canada. Photo par Delphine Fillion, exploratrice Vaolo.

Assurance, propreté et flexibilité

Le tourisme ne sera plus jamais ce qu’il a été. Afin de permettre la relance, comment rassurer les futurs voyageurs et assurer leur bien-être?

Isabelle Pécheux, Passion Terre

La reprise du tourisme international passe par l’emphase mise sur la sécurité et le bien-être des voyageurs. Tous les intervenants doivent offrir une plus grande flexibilité par rapport aux conditions de voyage. On parle ici des modalités d’inscription, d’annulation, et des assurances permettant aux voyageurs d’être assurés contre la COVID-19. Concrètement, avec Manuvie par exemple, l’assurance médicale Covid est incluse si la durée du séjour est de 21 jours maximum (elle couvre un maximum de 1 000 000$ au lieu de 5 millions). Certaines compagnies aériennes l’incluent aussi. Nous [N.D.L.R. tous les acteurs de l’industrie] avons dû assouplir les conditions d’annulation et de paiement pour tous les voyageurs. Et nous travaillons exclusivement avec des destinations et des partenaires qui mettent en place les mesures sanitaires exigées par les gouvernements et qui les respectent.

Charles Mony, Village Monde-Vaolo

Dans les aéroports et à l’intérieur des avions, des précautions énormes sont déjà prises en matière de ventilation pour que les particules du virus soient filtrées. À l’heure qu’il est, pensons voyage local. N’augmentons pas les risques de contamination. Les acteurs du tourisme doivent assurer la sécurité et rassurer. Le redémarrage des voyages ne se fera qu’à ces conditions-là. Il existait déjà des épidémies et des risques liés au voyage, et les cliniques spécialisées étaient là pour ça. Des vaccins étaient déjà obligatoires pour certaines destinations. Mais aujourd’hui, se faire tester est une condition pour pouvoir voyager. La vaccination risque donc de se généraliser pour pouvoir sortir et revenir dans le pays. On ne veut pas être un vecteur de transmission, et le test COVID deviendra peut-être obligatoire pour les déplacements interrégionaux. Pensons aux petits villages où il y a à peine un dispensaire: la population y est plus vulnérable.

La responsabilité est à la fois du côté de ceux qui nous reçoivent comme du côté des touristes. Et la rencontre humaine est tellement belle qu’il ne faut pas la gâcher!

Encore plus loin que le tourisme local

Isabelle Pécheux, quelles stratégies de résilience votre agence a-t-elle adoptées au cours des derniers mois?

Nous avons fait partie de groupes de réflexion pour réaliser une analyse en profondeur et repenser le voyage, nous réinventer. Pour Passion Terre, qui prône le respect des pratiques de développement durable, cela a été l’occasion de dire : cessons d’en parler, c’est le moment d’aller dans cette voie-là! Cela a notamment débouché sur la création de l’Association Tourisme Durable Québec, dont ma collègue Valérie et moi faisons partie des membres fondateurs.

Nous nous sommes aussi demandés : comment vont réagir les voyageurs? Après la pandémie, certains auront-ils envie de se remettre à voyager frénétiquement après avoir connu une frustration pendant des mois?

Nous voulons proposer des voyages plus longs, où l’on passe plus de temps au même endroit (slow travel), et qui favorisent le rapprochement des cultures. Il faut réfléchir à offrir des moyens de transports moins polluants (à pied, à vélo, en train): cela demande une réelle créativité.

Si nous faisons évoluer l’offre touristique pour qu’elle soit moins dommageable pour l’environnement et les cultures, si nous créons cette opportunité, cela va influencer l’achat des voyageurs dans le bon sens.

Charles Mony, chez Vaolo comment avez-vous rebondi?

Partout dans le monde, on a retrouvé la même nécessité de développer le tourisme local. Nous devons développer davantage les produits locaux, ce qu’on a fait à partir de l’été 2020 en valorisant l’immense territoire du Québec.

Paysage de Sainte-Rose-du-Nord dans le Fjord du Saguenay, au Québec, Canada. Photo par Delphine Fillion, exploratrice Vaolo.

On le sait, il y a des destinations phares en région. Ainsi, la Gaspésie est reconnue pour son accueil, ses paysages, sa gastronomie, ses montagnes et ses plages. D’ailleurs, à l’été 2020, il y a eu une véritable ruée vers l’Est. Vers le Nord, moins. Il faut donc trouver des produits qui se distinguent et qui feront que, avec l’aide de l’État, les acteurs du tourisme pourront survivre.

Nous avons pris conscience que nous sommes arrivés à une limite. Cette pause forcée nous donne l’occasion de réfléchir à un modèle plus durable et de nous donner un nouvel élan.

Nous avons là une opportunité de mettre en lumière des initiatives régionales moins connues. Chez Vaolo, notre offre d’hébergement vise à valoriser l’arrière-pays, valoriser un tourisme plus durable et mieux répartir les flux de voyageurs. On propose des lieux de séjours qui sortent de l’autoroute, même certains coins proches des villes et pourtant complètement inconnus.

Quel sera le portrait du voyageur plus conscient?

Isabelle Pécheux, Passion Terre

Il ne faut pas se leurrer, les forfaits tout inclus et le tourisme balnéaire ne sont pas terminés. Est-ce qu’il y en aura moins? Cela dépend des intervenants… et de leur capacité à gérer la crise, à évoluer progressivement. Concernant le marché des croisières de 4 000 personnes et plus, par exemple. Pour les 70 ans et plus, les changements doivent venir des croisiéristes et de leurs choix. Les croisières du Ponant, par exemple, sont les seules dotées d’un manifeste de tourisme durable. Leur approche inclut les matériaux de construction des bateaux, la gestion des déchets, le recyclage, bref une gestion globale qui laisse le moins de traces possible. Elles organisent aussi des activités de sensibilisation avec des biologistes à bord. Le principe même de croisière avec des milliers de personnes en forfait tout inclus n’est pas écologique. Cette forme de tourisme de masse a un certain impact économique local, oui, mais les contacts avec les quelques locaux sont très rapides.

Le voyageur d’aujourd’hui doit avoir une conscience écologique, humaine dans sa façon de voyager pour que ses déplacements génèrent moins de CO2.

Charles Mony, Village Monde-Vaolo

Le voyageur conscient inclut la dimension environnementale, humaine et sanitaire. L’aspect positif de cette pandémie est que le touriste est devenu plus conscient de l’offre de son propre pays. Au Québec, on découvre un territoire immense, on pratique un tourisme un peu plus reconnecté. Les gens ont pris goût à l’air pur, à l’espace, à la nature: on sent énormément ce besoin. D’ailleurs, les jeunes se réinstallent dans les campagnes, en quête de bien-être et d’une vie plus équilibrée. On s’émerveille devant des choses qu’on ne voyait même pas. Ça, c’est la partie optimiste.

Pour Village Monde, la promesse est d’améliorer la qualité de vie des villageois. Or, du jour au lendemain, ils n’ont plus vu aucun touriste et n’ont reçu aucune aide, aucune subvention salariale. Ils sont en mode survie. Imaginons la situation dans les pays où les frontières sont complètement fermées comme à Madagascar. Les disparités économiques et sociales ont beaucoup augmenté. Le voyageur plus conscient pourra donc encourager ces destinations-là.

Sur quels projets concentrez-vous vos efforts?

Isabelle Pécheux, Passion Terre

Nous devons poursuivre la création de nouveaux circuits, notamment au niveau local avec le programme Explore Québec. Et pour cela, nous avons besoin de la synergie de tous les acteurs de l’industrie. Une prise de conscience majeure doit se faire pour aider les opérateurs touristiques à vendre ces forfaits. Et il nous faut relever le défi de trouver de nouveaux partenaires en développement durable qui n’avaient pas l’habitude jusqu’ici de travailler avec des agences.

Charles Mony, Village Monde-Vaolo

Nous travaillons sur une nouvelle plateforme appelée Expérience Québec, qui incite les gens à rester plus longtemps dans un même lieu, à tester des micro-aventures de 2 nuits + une activité. Il s’agit de travailler en circuit court avec des prestataires locaux. Un concept adopté en France et aux îles Fairway, par exemple. Cela a un véritable impact local et c’est plus inspirant pour le client. De l’Abitibi à la Côte-Nord, nous aidons les hébergements à structurer leur offre sous forme d’expériences. Cela permettra, on l’espère, de participer à la relance en créant une micro-économie.

Les voyageurs peuvent d’ores et déjà découvrir l’offre sur le portail Expérience Québec et même «Offrir le Québec en cadeau». L’hébergement local reçoit le montant de la réservation tout de suite, et l’achat est valide à vie. Nous proposons 4500 expériences dans 65 pays dont 1000 au Québec, et nous poursuivons notre belle croissance. Le voyage renaitra et on espère qu’il nous ressemblera!

Merci à Vaolo et à Passion Terre, l’agence «verte» associée à Zenflo pour ses séjours bien-être, de mettre tout en œuvre pour encourager un tourisme qui soit à la fois respectueux, sensible, humain et durable.

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